Qui pourrait penser encore, en lisant ces pages, que la vie au cou vent est si bien réglée qu'elle en est uniforme !Une vie sans tensions et sans heurts ? Entrez avec l'auteur dans ce monastère de la Visitation de Paray, en ce mois de juin 1671… et vous serez aussitôt plongé dans une ruche bien peuplée et bien agitée. Il y a là, se côtoyant et «se frottant», la femme la plus douce comme la plus âpre, la plus obligeante et la plus rébarbative, l'enjouée et la ren fermée… Chacune de ces femmes est, à elle seule, tout un abrégé de la vie et des vertus. Et quand bien même toutes ces femmes devraient être des saintes, ce n'est pourtant guère ici la grande ferveur en cette fin de XVIIe siècle !Il y a aussi une petite religieuse fort timide, et ce n'est pas sa Maî tresse Mère Hersant - qui est LA règle vivante ! - qui laisserait place au naturel et à la spontanéité dans la jeune Marguerite-Marie Alacoque : celle-ci va d'abord emmagasiner à la ruche les humiliations et les morti fications les plus cuisantes. Ce n'est qu'après avoir bu le vinaigre qu'elle goûtera le miel.Tour à tour, vous verrez s'avancer sur le devant de la scène les prê tres les plus récalcitrants à la vie mystique puis un jeune jésuite envoyé par le Ciel, Claude La Colombière ; la religieuse la plus «à l'ombre» de ce monastère et… le Roi-Soleil en personne, Louis XIV à qui Notre-Seigneur adresse un message personnel ! Vous y verrez se jouer le drame spirituel le plus poignant entre les terrifiantes attaques du démon et les plus douces caresses de Dieu ; vous recevrez encore comme un trésor ces promesses (non falsifiées !I qui allèchent le coeur sans dispenser pour autant de passer par la voie étroite ; peut-être même serez-vous agacé par les outrances d'humilité, gêné par des propos trop enflam més ? Les libertins du XVIIIe ont ri de ces conversations d'amour entre Jésus et Marguerite-Marie et les jansénistes, qui n'y ont rien compris, les ont trouvées indécentes !

Mais vous, puissiez-vous y percevoir les battements du coeur de Dieu.